samedi 23 octobre 2010

De la réintroduction de la Martine dans son milieu naturel



Alors là, loin de moi l'idée de relancer un vieux débat qui touche à l'éthique professionnelle et titille la fibre déontologique de tout bibliothécaire qui se respecte.

Mais j'ai eu l'occasion d'assister récemment à un débat non prévu et fort virulent (pour les non-initiés, Martine fait souvent cet effet-là sur les membres de notre corporation, et probablement que sur eux d'ailleurs), qui m'a donné matière à réflexion là où j'avais finalement pas franchement réfléchi (eeh oui les bibliothécaires ne réfléchissent pas toujours, c'est dur à encaisser je sais).

D'un côté, nous avons donc un refus total de certains de proposer ces albums au public des bibliothèques, l'argument principal étant l'aspect rétrograde et sexiste des aventures (fort passionnantes) de notre amie Martine. Bon, quand on voit que le premier album est sorti en 1954, forcément on comprend mieux le côté dépassé. Et on se dit que c'était bien gentillet au vu de l'image de la femme véhiculée à l'époque, notamment dans les publicités :










> Mesdames, donnez votre liste de Noël à votre papa mari et couinez un peu, vous aurez votre grille-pain.
Messieurs, allez lui acheter son grille-pain avant qu'elle ne se mette à chialer.





De l'autre côté, on a le devoir du bibliothécaire de ne "pratiquer aucune censure, d'assurer les conditions de la liberté intellectuelle par la liberté de lecture sans laisser ses propres opinions interférer, de promouvoir auprès de l'usager une conception de la bibliothèque tolérante" et, si vous avez de la chance, une maminette adorable qui gonfle et se transforme en une version ridée de Hulk quand vous lui annoncez que non, elle ne pourra pas revivre ses lectures de jeunesse avec sa petite-fille, Martine n'est pas à la bibliothèque, elle est partie en montgolfière avec l'âne Cadichon. Des arguments difficiles à contester, donc.

Concrètement, je pense que d'autres ouvrages jeunesse (plus récents et que l'on trouve facilement en bib) sont bien pires vis à vis de l'image de la femme. Pour moi le plus grand crime de cette gamine, c'est de vivre des "aventures" profondément barbantes et d'être dessinée dans un style franchement inintéressant à mon goût, mais si on prend ces critères, il y aurait longtemps que j'aurais viré la moitié des collections (que les romans du terroir ne se sentent pas visés). A sa décharge, on peut lui accorder un charme désuet pour ceux qui l'ont lu plus jeunes et un certain témoignage d'une époque.

En revanche, rien n'empêche qu'après avoir fait connaissance avec Martine, on lui présente Marie, qui elle sait bien interroger et ouvrir un oeil critique sur les relations homme/femme (travail de médiation mon ami).

Au final, je ne me vois pas refuser la réintroduction de ce spécimen à la bibliothèque à un lecteur sous prétexte que ce n'est pas de la "bonne" lecture (l'excuse des restrictions budgétaires peut en revanche être un prétexte plus acceptable).
Que celui qui ose affronter maminette en furie me jette le premier tome de la Dewey non abrégée.




(Toutes les illustrations de cet article sont tirées d'un exceeeellentissime article sur le sexisme dans la publicité publié sur Ad'times by D).

lundi 11 octobre 2010

There was a boy, there was a girl


"This is the story about a cat with a boy's mind and a mouse with a girl's mind."


Voilà qui résume l'essentiel de ce court-métrage (pas si court on est d'accord), du coréen Jin Sung Choi, Entering the mind through the mouth.
C'est mon gros coup de cœur "film d'animation" du moment, avec notamment des décors et des couleurs juste magnifiques. Pour les personnages, on les verrai bien sortir de l'imaginaire de Miyazaki (des animaux un peu magiques, des enfants innocents et un méchant mage), mais "noircis" à la Tim Burton, version contes macabres, tant dans les couleurs que dans l'histoire.
Le film étant quasiment sans paroles, on est concentrés sur les images et l'action, et du coup happés par les émotions, on a peur pour le garçon-chat, on est émus par le courage de la fille-souris et par l'intimité et l'attachement qu'il y a entre ces deux-là.

Quant à l'histoire, c'est la cerise sur le banana-split, car non content d'offrir des images superbes, Jin Sung Choi dévoile un conte effrayant et poétique, avec une trame assez complexe ; si complexe qu'honnêtement, j'ai failli décrocher après les 5 premières minutes qui, volontairement et de façon risquée, nous embrouillent et font penser que le réalisateur n'avait pour but que de nous démontrer ses capacités techniques (et c'est un balèze il faut l'avouer). Puis les éléments nous sont donnés au fur-et-à-mesure, nos petites cellules grises se mettent en branle, tout s'emboite et on se dit que finalement, wouah, on ne s'y attendait pas à celle-là, il nous a bien menés en bateau, d'ailleurs on en redemande (en tout cas moi, et mon avis compte double sur ce blog).




Et puis, allez savoir pourquoi, je trouve que cette chanson de Bowie colle bien à l'ambiance.







jeudi 7 octobre 2010

De la vie débridée du bibliothécaire

Le bibliothécaire est un être solitaire, casanier, enfermé dans ses bouquins (haha). Pas très funky quoi. Ajoutez à ça des horaires de travail qui ne facilitent pas la vie sociale (le samedi, les soirées et le dimanche pour certains) et vous obtenez un répulsif à toute vie de couple à peu près acceptable (définition d'"acceptable" : avoir un conjoint).

C'est en tout cas ce que l'on pourrait conclure de cette petite enquête : "Boulanger ou bibliothécaire : métier de célibataire ?" ( bon qu'il y ait plus de célibataires dans la corporation des bibliothécaires que dans celle des contrôleurs, je suis sceptique quand même).

Moi je pense au contraire que le bibliothécaire est un être débridé, qui adore mettre en avant les collections venues des "enfers" (aaah merci les collègues de la BnF), pique systématiquement le numéro "Spécial sexe" de l'été des Inrocks (personne n'est visé, enfin si mais ce serait pas joli de dénoncer, et moi j'aime quand c'est joli), pense à des cochonneries même quand elle catalogue des livres pour enfants, se fait draguer à la banque de prêt et sait que le rayon histoire est le plus tranquille pour se bécoter en paix.

Et puis quand on en arrive à avoir 1/3 de l'équipe de la bibliothèque qui s'est reproduit dans l'année (y a des records comme ça qu'il ne vaut mieux pas tenter d'expliquer), n'allez pas me dire que le célibat est notre marque de fabrique, quand même...
Related Posts with Thumbnails